On ne choisit pas son destin, Johana en était convaincue. Elle était née pour être guérisseuse et elle aimait son métier. Avec passion. Avec envie. Comme son père. Comme la cause de celui-ci. Elle était née dans la justice et la raison. Pouvait-on nier plus de 20 ans d'éducation ? Non. Impossible. Mais Johana tenait son rôle. Elle ne devait rien montrer. A personne. Elle était une simple guérisseuse. Elle soignait ceux qu'on lui amenait, quels qu'ils soient. Lui aurait-on amener des membres du gouvernement qu'elle les aurait soigné de la même façon. Déontologie oblige. Elle dissociait son métier de ses convictions. Et pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait de renverser cette dictature.

Johana avait remplacé son père après son douloureux décès. Elle vivait encore avec ce poids, cette peine qui lui vrillait le coeur dès son réveil pour être encore à ses côtés lorsqu'elle s'endormait le soir. Elle lui tenait la main lorsqu'elle préparait ses onguents et qu'elle récupérait les rares plantes médicinales qu'elle pouvait cultiver dans son potager. Et s'il n'y avait que son père... Non, bien sûr. Il y avait aussi son fiancé. Mort lui aussi. Lorsqu'elle y pensait, la rage s'emparait de son coeur et elle brûlait de les venger. Ce jour viendrait, elle le savait. Mais pour l'heure, elle devait être discrète et prudente. Si les Venatus étaient découverts avant d'avoir pu se renforcer et prévoir un plan d'attaque, c'en serait fini de l'idéal de son père. Ca jamais.

Ce soir, il était assez tard et elle avait été appelée au Chenil. Elle n'appréciait pas spécialement d'aller dans ce genre d'endroits mais ce n'était pas inaccoutumé pour autant. Il arrivait parfois que les Dogs soient blessés lors de leurs missions et les guérisseurs étaient souvent appelés dans ce cas. Elle savait juste qu'un Dog avait été blessé. Le reste, elle le découvrirait sur place le moment venu.

Elle sortit donc dans la nuit, se hâtant vers le Chenil. Elle gardait le regard baissé, une mauvaise rencontre pouvait vite se produire. Lorsqu'elle arriva devant le bâtiment, elle s'annonça aux gardes à l'entrée. Le Chenil était une caserne bien gardée et mieux valait montrer patte blanche. Elle présenta ses documents d'identité et elle entra. On la guida jusque dans une pièce qu'on avait aménagée, l'équivalent d'une sorte d'infirmerie. Un lit de fortune avait été dressé à la hâte sur laquelle on avait placé le patient. Johana remercia les gardiens qui la laissèrent avant de fermer la porte derrière eux.

Lorsqu'elle s'approcha, son coeur rata un battement. C'était lui. Samuel Holloway. Un dog qu'elle avait déjà croisé plusieurs fois à la taverne. Son visage entouré de ses boucles brunes, son regard ténébreux et ses lèvres pulpeuses, tout en lui l'exaspérait pour une obscure raison. Elle avait mis ça sur le compte de ce qu'il représentait, le gouvernement, l'autorité. Mais il y avait bien plus que cela, bien qu'elle ne se l'avoue pas pour le moment. Elle s'approcha et murmura :

Bonsoir... Je suis Johana, la guérisseuse. Comment allez-vous ? De quoi souffrez-vous ?